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Un Café avec Nicolas Birkenstock Co-réalisateur des Sirènes de Dieppe

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Un dimanche après-midi, dans la salle des fêtes du village de St Maden nous attendaient les membres du Foyer rural. Leur association avait décoré chaleureusement l’espace de bougies et de tables basses drapées de nappes de soie rouge autour desquelles se dressaient des chaises qui n’attendaient que leur public. Nous étions bel et bien dans un cabaret pour la première séance du film co-réalisé par Nicolas Birkenstock qui s’est prêté au jeu de notre questionnaire à la façon de Marcel Proust.

Maxime Moriceau : Les Sirènes de Dieppe raconte les débuts d’un cabaret drag queen dans une petite ville portuaire du nord de la France en plein après COVID. Quel souvenir te reste-t-il de cette période ?

Nicolas Birkenstock : Celui d’un joyeux bordel ! Avec Nicolas Engel (co-réalisateur du film), le projet de ce cabaret à Dieppe, ville de pêcheurs de 30 000 habitants, nous paraissait aussi périlleux qu’improbable. Nicolas Bellenchombre, son créateur, avait choisi de s’implanter au REX, un ancien cinéma de la ville qui venait de fermer. Il avait grandi avec ce cinéma et y avait construit toute sa cinéphilie, il était hors de question pour lui qu’il devienne un bureau d’assurances ou une banque ! Avec curiosité nous avons assisté à la naissance du cabaret, des travaux jusqu’à l’ouverture. C’était un chantier à tous les niveaux : sa construction, son financement, sa conception, les numéros qui allaient s’y jouer… C’était assez émouvant d’assister à ça. Comme lorsque l’on fait un film, on passe de l’esquisse à quelque chose qui devient de plus en plus précis… La Sirène à Barbe naissait.

M.M. : C’est l’histoire d’un lieu mais aussi de son créateur.

N.B :  Initialement, Nicolas Bellenchombre ne voulait pas se produire sur scène, seulement diriger le lieu. Il l’a fait par contraintes, pour des raisons financières. Nous avons assisté à l’émergence de son personnage de drag queen, Diva Beluga, rapidement devenue une figure incontournable du lieu. Nous avons eu droit à des représentations privées, avant l’ouverture, auxquelles nous assistions à dix ou quinze personnes. Les numéros n’ont pas tous été gardés, c’était encore très fragile. À l’ouverture, en plus de Beluga, il y avait déjà deux fidèles, qui n’ont jamais quitté le lieu depuis : Alonso Gyne, une drag queen danseuse et circassienne, et Lily, une amie de longue date de Beluga… qui n’avait jamais fait ça de sa vie !

M.M. : Si tu devais faire une playlist pour raconter la Sirène, quels seraient les morceaux incontournables ?

N.B :  Je pense à Yes sir, I Can Boogie de Baccara, un morceau disco de 1977 qui a été l’hymne d’ouverture du lieu. Il y a aussi New York New York par Liza Minnelli, qui fut le premier numéro créé par Lily sur scène, et qui avait un grand succès. J’ai aussi en tête la chanson Alabama Song interprétée par Dalida, qui a longtemps fait l’ouverture des drag shows, et sur laquelle la troupe entrait fièrement sur scène.

M.M. : Dans les coulisses, as-tu découvert des textures, des matières qui t’étaient inconnues ?

N.B :  S’il y a une matière qui m’a fasciné, c’est bien la texture des faux seins en silicone de Diva Beluga ! C’est un rituel que l’on voit plusieurs fois dans le film : Beluga enfile un corset qui lui compresse le corps, puis cette paire de seins protubérants (qui finissaient par se déchirer à la longue). Cette matière plastique sur ce corps massif, c’était hypnotisant. C’était aussi une vraie violence physique car il les gardait parfois pendant 3h de show ! Pour le reste, dans les coulisses du cabaret, tout n’est que matières : les sequins, les plumes, les paillettes évidemment, mais aussi la laque, qui nous prenait à la gorge, les colles à perruque ou la vaseline qui leur servait de démaquillant et leur donnait des airs monstrueux. C’est un vrai sacerdoce que d’être drag queen !

M.M. : Est ce que tous ces moments vous ont donné parfois envie de passer sur scène ?

NB : En tant que réalisateurs, on était là pour les observer, et on leur a dit très tôt qu’on ne souhaitait ni monter sur scène, ni faire de shows en drag. Malgré le fait qu’ils soient parfois très taquins, ils ont toujours respecté ce choix. On n’oblige personne à la Sirène. Si notre film avait porté sur l’art du drag, oui, peut-être qu’on s’y serait collé. Mais on n’était pas des spécialistes et d’autres films en parlent certainement mieux que nous. Nous ce qu’on voulait raconter, c’est le toupet de ce lieu, comment il est entré dans le quotidien des Dieppois et a réussi à casser certains préjugés. On voulait aussi et surtout raconter les galères et les joies d’un petit commerçant de province, qui essaie de tenir sa boutique, que ce soit un cabaret ou un magasin de chaussures…

Le film continue sa tournée le 6 nov à Plénée-Jugon, le 7 à Bréhat, le 8 à St Cast le Guildo, le 9 à Callac, le 11 à Rostrenen, le 17 à Tréguier, le 18 à Loudéac, le 19 à Trédrez Locquémeau et le 22 au Gouray. Notez que pour cette dernière séance, Lily, personnage du film animera une initiation au Cabaret Queer de 16h à 18h et fera un numéro en avant séance à la Grange aux abeilles. Informations et réservation à odcm.mene@gmail.com