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Un café avec Jean-François Priester ingénieur du son de « Un paese di Calabria »

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C’est parti, le Mois du Film Documentaire est lancé. Le premier weekend a compté six séances aux quatre coins du département. Vous avez peut-être eu la chance de découvrir le film de Catherine Catella et Shu Aiello, « Un Paese di Calabria », diffusé à Plérin et à Lanvollon ? Nous y étions ce dimanche. Rencontre avec l’ingénieur du son, Jean François Priester.

Maxime Moriceau : Avant ce film, aviez vous déjà collaboré avec ces deux réalisatrices ?

Jean-François Priester : Je travaille depuis longtemps avec Shu. Je me suis beaucoup formé auprès d’elle. On a fait des tournages en Guadeloupe, en Nouvelle Calédonie, des films jeunesse, des institutionnels aussi. Je connaissais aussi Catherine en tant que monteuse puisqu’elles avaient travaillé ensemble sur le film précédent de Shu.

M.M : D’où est venue l’envie du film ?

J-F.P : Il y a plusieurs origines. D’abord la question de l’accueil en France et en Europe des réfugiés qui nous traverse tous et toutes je crois. Puis il y a eu cette histoire à Riacce que Catherine et Shu ont découvert via une emission de Daniel Mermet. La famille de Shu vient justement d’un village de Calabre, et c’est son témoignage, telle qu’elle le racontait qui est retranscrit par la voix off du film. Après, il y a eu quelques arrangements. Elles l’ont fait partir de Riacce alors qu’en réalité, elle habitait à Palermiti.
Catherine quant à elle vient de Sicile. Elles voulaient parler du mouvement intrinsèque des humains, non pas comme un effet ponctuel des conflits ou de la pauvreté mais comme une donnée universelle et intemporelle.

M.M : Combien de temps a duré le tournage ?

J-F.P : Nous avons fait plusieurs séjours entre 2012 et 2015 où nous restions d’une à quatre semaines à chaque fois. Le temps long du dispositif de cinéma qu’on a eu envie de mettre en œuvre est nécessaire si l’on veut voir apparaître une vérité. Il faut accepter d’être là sans filmer parfois tout en restant prêt à capturer un moment s’il se présente. On peut parler “d’immersion” même si je n’aime pas trop ce mot. Le plus important c’est surtout parler avec les gens. Il y avait la volonté de tenir une sorte de chronique villageoise en suivant le rythme des saisons.

M.M : C’est un procédé qu’on retrouve dans de nombreux films.

J-F.P : Il y a un film qui nous inspirais beaucoup même si on n’y pense pas forcément en voyant « Un Paese di Calabria », c’est « Le Quattro Volte » de Michelangelo Frammartino. Ce film est remarquable. Là, tu sens bien que l’endroit où tu poses ta caméra est déterminant. A Riacce, il n’y avait pas vraiment d’endroit pour se poser alors on cherchait souvent. Et quand on trouve, c’est assez magique. Je pense à une scène devant un café où il y a du passage. Là tu laisses vivre et ça donne une scène à la Tati avec le mélange d’ambiances sonores, le running gag du gars qui s’arrête trois fois pour dire bonjour. On est en documentaire et c’est du cinéma. Il n’y a pas une dichotomie si profonde que ça entre fiction et documentaire.

M.M : Après un tournage au long court comme celui-ci, le montage a dû être une vaste entreprise ?

J-F.P : Comme j’essaye de le faire sur tous les projets sur lesquels je travaille, j’ai suivi les réalisatrices de l’écriture au mixage. Ce qui est beau, c’est que ce sont des moments de création où l’on se pose plein de questions. Est-ce qu’on était à l’endroit où l’on devait-être ? On a beaucoup discuté de leurs choix de réalisation. En temps de travail, Shu m’a dit que ça avait duré 12 semaines mais pour moi, ça s’est étalé sur presque un an.

M.M : As-tu de nouveaux projets dont tu voudrais nous parler ?

J-F.P : Il y en a un qui est bien avancé, c’est toujours un film avec Shu et Catherine et ça se passe en Grèce. C’est un voyage à travers les fenêtres d’un bus. Il y a une compagnie qui s’appelle KTEL qui relie différents villages dans la région au nord d’Athènes. On parle de la Grèce à travers l’histoire des passagers et le bus fonctionne comme la colonne vertébrale autour de laquelle on articule le récit. Ce qui n’enlève rien à l’histoire, c’est que KTEL est une coopérative qui fonctionne et ça nous fait plaisir d’en parler dans un endroit si souvent décrit comme en crise. Pour l’instant, on en est à 4 semaines de tournage qui sont encore, pour nous, des repérages. On n’a pas encore de personnage donc on y retourne au printemps. Il y a aussi l’idée de mettre en scène certains moments pour faire entrer l’Histoire dans le film en recréant une époque par exemple pour parler de la persécution des communistes dans la région Attique. Sinon, je travaille aussi sur un projet d’adaptation de Don Quichotte filmé de nos jours à Marseille par un jeune réalisateur (Manuel Perrone). A suivre donc.

Maxime Moriceau, 10/11/2017