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Un café avec Joachim Moufflin et Nicolas Maillet musiciens compositeurs

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Ça pourrait devenir une habitude. Cette année encore, le Mois du Film Documentaire s’ouvre en musique avec le ciné-concert « Turksib », film de propagande Russe de 1929 sur la construction d’une ligne de chemin de fer reliant le Turkestan à la Sibérie. Rencontre avec les deux musiciens-compositeurs, Joachim Moufflin et Nicolas Maillet.

Maxime Moriceau : Comment ce projet a-t-il commencé ?

Nicolas Maillet :
Ty Films cherchait quelqu’un pour le ciné-concert des Rencontres de Mellionnec. Je me suis présenté à l’équipe. Plutôt soliste de part mes instruments, je pensais le faire seul avec mes séquenceurs mais cela paraissait compliqué de tenir sur 1h20 de film donc j’ai appelé Joachim avec qui j’avais déjà travaillé. Je savais qu’humainement et artistiquement ça l’aurait fait.

Joachim Moufflin :
On a envoyé 4 ou 5 impro pour montrer ce qu’on pouvait faire et ça a marché. Ce qui était vraiment bien, c’est le temps et la liberté qu’on a eu pour créer. On a regardé une première fois le film sans son, sans prise de note, juste pour s’imprégner des images, se raconter notre propre histoire.

N.M : On ne s’est pas mis tout de suite au travail. On a discuté puis on a laissé reposer pendant une semaine, le temps de la digestion. Ensuite, on a peu discuté, on a surtout fait. La création, elle peut se faire comme on fait là, en parlant. A deux, avec nos expériences, notre maîtrise des outils, on a pu trouver les mots pour se comprendre, pour dire aussi nos limites.

J.M : On se faisait des séances de 3 ou 4 heures de travail par jour pendant 15 jours, à la fois pour être efficace et par rapport à nos engagements personnels par ailleurs. C’était beaucoup d’improvisation, de recherche. On s’est servi de tous nos joujoux : guitare électrique, batterie, bouzouki, synthé pour moi, clarinette basse, saxophone et plein d’effets pour Nicolas. Au bout de 15 jours, on avait balayé les 5 actes du film, on a eu la surprise de s’écouter et on a tout gardé. La troisième semaine, c’était du retravail.

M.M : Aviez-vous déjà travaillé sur ce type de projet ?

N.M : Non mais j’ai toujours rêvé de faire un ciné-concert. Dans mes compositions, on me dit souvent que je fais de la musique de film. Pour moi, la musique doit raconter une histoire et ce qui est magique avec le film, c’est qu’on ne sait plus qui alimente qui entre les images et la musique. Par moment, je fais juste une note, une nappe, et ça fonctionne parce qu’il y a l’image. Les gens ne resteraient pas attentifs à cette musique s’il n’y avait pas le film.

J.M : J’avais travaillé sur le ciné-concert d’un court métrage serbe pour le festival Intergalactique de Brest. C’était une composition avec 15 musiciens donc rien à voir avec ce projet-là. Pendant la projection, on est partie prenante du film. Les spectateurs font l’aller retour entre nous et le film, ça ajoute quelque chose par rapport au fait de se produire sur scène. Et puis c’est une vraie performance.

M.M : Avez-vous apporté des changements par rapport à la précédente projection ?

N.M : Contrairement à l’image qui elle est “figée”, nous on peut s’affiner, évoluer. C’est ça qui est intéressant dans le ciné-concert, il se passe toujours quelque chose de différent, ne serait-ce que l’énergie qui passe entre nous ou avec le public. C’est un projet qui pourrait muter au fil de ses projections. Sinon, on enregistre une bande et basta.

J.M :
C’est la force de cette musique où tu travailles à partir d’impro, tu peux vraiment tout changer à tout moment. Là je me dis, tiens, si je mettais de la batterie à la place, et ça le fait, ça te donne une palette d’émotions différentes. Tu peux avoir des séquences très fortes où tu as de la rage puis des moments d’attente. C’est de la musique ambiante vachement ressentie. On crée nos images avec nos mélanges.

M.M : Peut-on donner un “style” à votre musique ?

N.M : Pas vraiment, c’est surtout de l’impro à base de musique trad, de sons électroniques, de vagues d’ambiances à la Brian Eno et puis de free jazz. J’avais écrit un petit texte qui n’en dit pas plus : “notre duo fusionne et triture la matière sonore afin d’en retirer la sève de l’instant, le suc du mouvement. De la photographie auditive ? Assurément !”

M.M : Des suites à donner à « Turksib » ?

J.M : J’aimerais bien le jouer dans d’autres lieux genre festival de musique, dans des bars, chez les copains. Pas encore de date de prévu mais ça serait cool.

Maxime Moriceau, 20/10/2017