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Un café avec Liza Le Tonquer Réalisatrice de "Les corps soignants"

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A l’occasion de la diffusion de son premier documentaire produit par Tita Productions, nous avons rencontré Liza Le Tonquer pour discuter des Corps soignants. Présenté dans pas moins de 28 séances aux quatre coins de Bretagne au mois de novembre, le film nous fait découvrir des infirmier·es pratiquant l’hypnose thérapeutique.

Maxime Moriceau : Pourquoi avoir choisi l’hypnose comme porte d’entrée du milieu médical ?

Liza Le Tonquer : Tout est parti d’une rencontre avec une infirmière qui pratiquait l’hypnose. J’étais très curieuse de découvrir cette pratique qui pour moi relevait plutôt de l’imaginaire, dans un milieu aussi cartésien que celui de l’hôpital. En réalité, il y a deux entrées dans le film. Il y est beaucoup question de la relation thérapeutique. En tant que patiente, j’ai déjà été confrontée à des soignants assez durs. Il y a parfois de la violence dans les rapports en hôpital et je voulais savoir comment ces gens étaient formés. C’est pendant mes repérages dans une formation de soignants à Brest que j’ai pu voir comment la pratique de l’hypnose changeait leur rapport aux patients.

Maxime : Comment ta caméra s’est elle intégrée dans leur quotidien ?

Liza : Progressivement. J’ai commencé par filmer leur formation avant de tourner dans l’hôpital. Il y avait 25 soignants qui venaient une semaine par mois et comme j’étais tout le temps là à filmer, ils s’y sont habitués assez facilement. Lolita, la formatrice, comprenait la nécessité de parler de l’hypnose et m’a rapidement fait confiance. Je suivais la formation en même temps qu’eux et j’apprenais plein de choses.

Maxime : A quel moment as tu commencé à imaginer des personnages parmi ces gens ?

Liza : Dès la formation, certaines personnes avaient besoin de parler de leur métier. Ces soignants tombaient la blouse pour aborder leur questionnement sur leur rapport aux patients. J’ai pu observer des changements très radicaux chez certains qui au départ avaient une approche très clinique de leur métier et qui, par l’hypnose, comprenaient qu’ils pouvaient faire du bien à leurs patients. On a vraiment vécu des moments forts qui ont tissé des liens que j’ai gardé après la formation. Après, il y a des personnages que je pensais voir davantage dans le film et qui y sont moins, d’autres qui ont pris une plus grande place, ce n’était pas écrit d’avance.

Maxime : Beaucoup de films ont été réalisés sur les difficultés du monde hospitalier, comment abordes-tu ces questions ?

Liza : On regarde souvent ce qui va mal ce qui produit des films parfois très durs. J’avais envie que le mien fasse du bien, de montrer ce qu’il est possible de faire. Les malaises sont bien sûr présents, mais en filigrane dans le film. J’espère que le spectateur parvient à les entendre, notamment à travers la voix de ces gens qui se battent pour soigner autrement. Le fait de faire ce film m’a en quelque sorte réconciliée avec l’hôpital.

Maxime : Peux-tu nous présenter certaines figures du film ?

Liza : Il y a Alain qui travaille aux urgences de l’hôpital et qui tient un journal de bord de son service depuis 20 ans. Il a un vrai regard sur son métier et sur la société. Sa manière de s’exprimer passe par des métaphores et il était très à l’aise pour que je le filme. Dans son service où il est soumis à tout un tas de contraintes permanentes, la caméra s’y est ajoutée sans qu’elle forme un poids trop lourd. Il faisait même l’intermédiaire entre moi et ses patients pour que tout se passe bien. Je voulais également filmer Sandrine qui travaille dans un EHPAD et qui, grâce à l’hypnose, parvient à faire danser des patients pour les amener à la toilette. Malheureusement, l’institution a refusé et elle n’apparaît pas dans le film.

Maxime : Quel a été ton expérience de l’hypnose ?

Liza : Je l’ai expérimenté au cours de la formation, déjà pour me convaincre que ça fonctionnait car je pense que c’était nécessaire. Et c’est vrai que c’est un véritable lâcher-prise. On pense qu’il s’agit de se recentrer mais en fait, ça demande une confiance énorme en la personne qui te guide. On laisse aller tout son corps, on se laisse aller à une forme de légèreté et on en ressort vraiment libéré.

Maxime : Merci à toi pour cet échange et bon vent pour ce "marathon du doc" qui commence pour toi dès demain avec une séance à 16h30 sur l’Île de Sein salle Sant Gwenole en Finistère.


Propos recueillis par Maxime Moriceau le 1 novembre 2019