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Un café avec Murielle Labrosse réalisatrice de L’ombre des mères

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Nous avons rencontré la réalisatrice Murielle Labrosse qui débute sa tournée bretonne avec son film L’ombre des mères, une plongée dans la part sombre que peut recouvrir la maternité.

Maxime Moriceau : Avant toute chose, peux tu nous dire quel a été ton parcours avant ce film ? Comment es-tu venue au cinéma ?

Murielle Labrosse : J’ai commencé par faire l’atelier du doc de la FEMIS en 2010. C’était un premier film (en)quête sur l’histoire d’un oncle qui avait complètement disparu de la famille. Grâce à cet atelier, j’ai pu concrétiser dans ce film quelque chose qui était en germe depuis plusieurs années. J’ai fait un travail cathartique sur mon histoire familiale et plus largement sur ce qui fait famille. Je trouve qu’en documentaire, on peut oser plus de choses qu’en fiction. Cependant, j’aime allier les deux comme dans L’ombre des mères ou j’associe la voix d’un personnage fictif, la femme lune, à celles de professionnelles. Il me semble que ce dispositif m’a permis de mieux faire entendre la souffrance maternelle.

M.M : Et ton second film est aussi très personnel.

M.L  : Le premier qui était écrit à la première personne l’est finalement moins que le second. Je suis allée piocher des fragments d’existence qui résonnent avec ma propre histoire pour construire le personnage de mon film. J’ai passé un an dans un hôpital psychiatrique dans une unité mère-bébé où j’ai rencontré des soignantes avec lesquelles j’ai noué des liens amicaux. Puis je me suis plongée dans des écrits comme le roman de Jeanne Benameur, Les demeurées qui évoque une relation mère enfant délétère ainsi que les ouvrage de Michèle Benhaïm la folie des mères et l’ambivalence maternelle. Les intervenantes qui apparaissent dans le films sont des personnes que j’ai choisies par affinité.

M.M : Ton film présente une grande liberté formelle et une rigueur devant le sujet que tu abordes. Comment es-tu parvenue à cet équilibre ?

M.L  : En terme d’écriture, ça a pris cinq ans pour savoir ce que je voulais filmer. L’équilibre du film s’est trouvé, avec Léa Chatauret la monteuse. Pour les entretiens, Il y a une semaine de tournage avec une chef opératrice Isabelle Solas. Dès le départ, je ne voulais pas filmer des entretiens en questions réponses. Pour engager l’échange, j’ai proposé aux personnes interrogées en début d’interview de choisir deux ou trois images parmi celles que j’avais faites plus certains tableaux que j’avais sélectionnés. On retrouve ce dispositif au début du film où la personne explique ce que lui raconte l’image. Je pense que ça a pu aussi faciliter la construction du film par la suite au montage.

M.M : Et comment se déroule ta tournée ? Quels sont les retours des personnes que tu rencontres ?

M.L : D’abord c’est toujours un enrichissement d’avoir les retours des gens qui ont sélectionné le film. Deux hommes notamment m’ont fait part de leur volonté de programmer le film pour le mois du doc. J’étais contente qu’ils puissent s’emparer de cette question de la maternité. Je rencontre aussi de la résistance parfois. C’est un film qui bouscule et je reçois parfois des retours assez forts du public. L’échange est toujours une épreuve car je vais toucher à l’intime des gens. Je trouve bien de pouvoir parler de cette part d’ombre de la maternité pour la dépeindre avec plus de reliefs, et de contrastes. Je parle de ma vision et j’ai envie qu’elle soit entendue, une vision peut être moins idéalisée, avec plus d’humanité, en ce sens que je la dépeins avec ses paradoxes et ses ambivalences. Une mère demeure une femme avant tout et selon moi, on devient mère avec son histoire.

Les intempéries de ces derniers jours ont empêché la projection de ton film à Mellionnec. Nous espérons pouvoir reprogrammer cette séance quand le courant sera revenu. En attendant, ton film continue sa tournée et passera ce mercredi au P’tit Bar du contrevent de Tréguidel.